Bifide
bow (étrave bifide), de la Baidarka au
navire
pour l'offshore...
Imaginé par les
Aléoutiens il y a plus de 200 ans, le concept de l'étrave bifide
(fendue en deux) se révèle être une solution d'avenir pour
améliorer à la fois le comportement marin et les performances.
Situé en Pacifique Nord, le chapelet des îles
Aléoutiennes s'étire entre l'Alaska et le Kamtchatka. Les peuples de
ces régions ont dévelloppé différents types d'embarcations
traditionnelles de chasse
et de transport. Une d'entre elles, la Baidarka, présente à mes
yeux,
plusieurs originalités fort intéressantes. Du kayak, elle diffère par
son cockpit reculé, ses formes arrières porteuses et sa fameuse étrave
bifide.
Reconstitution d'une Baidaka aléoutienne
Les explorateurs occidentaux, en découvrant ces
régions au XVIIIème siècle, ont
immédiatement remarqué les vitesses supérieures de cette petite
embarcation. On peut expliquer ces performances en partie grâce aux
caractéristiques hydrodynamiques qu'offre cette
étrave si singulière.
Tout d'abord, à longueur de coque donnée, elle
permet d'avoir une
longueur de flottaison maximale, facteur important dans la vitesse
critique d'une carène.
Ensuite, la partie basse de l'étrave joue le
rôle de bulbe lorsqu'elle rencontre de petites vagues, limitant ainsi
l'apparition de la vague d'étrave, source de trainée.
Lorsque la hauteur des vagues augmente,
l'étrave se
comporte comme une étrave perce-vague, le bulbe passant au
travers de la vague: le bateau
n'est pas "stoppé" dans son mouvement, la vitesse est conservée.
Par comparaison, les étraves droites offrent plus de volume: en
rencontrant la vague, l'augmentation soudaine de flottabilité sur
l'avant force plus rapidement l'étrave à remonter au dessus de la
vague.
La vitesse horizontale est diminuée et les mouvements de tangage
sont plus importants.
Enfin, si les vagues se creusent, la partie
supérieure
de l'étrave fait
office de réserve de volume. Contrairement à une étrave perce-vague
pure, cette réserve de flottabilité empêche l'enfournement de
l'embarcation.
Pour rendre cette dernière caractéristique plus efficace, le pagayeur
adopte une position
reculée: ceci augmente
le bras de levier de l'étrave par rapport au centre de gravité de
l'ensemble, et ainsi
l'action liée à la poussée
d'Archimede agissant sur
l'étrave est accrue, augmentant la capacité anti-enfournement de
l'étrave.
Ce type d'étrave montre donc une aptitude à
s'adapter aux différentes
conditions de mer rencontrées en améliorant le passage dans les vagues
et
donc
la vitesse
moyenne de l'embarcation.
Plus de deux cent ans après son invention, l'idée
d'une étrave bifide a récemment fait son apparition dans le
monde de l'offshore. Le concept développé par STX pour ses PSV
"plateform Supply vessel ", reprend dans les grandes lignes ce qui fait
l'intérêt de l'étrave bifide, notamment lors d'une mer formée.
STX OSV
Bientôt un voilier de croisiere leger avec une étrave bifide !
Projet de bateau à étrave bifide
developpé par Marc Ronet architecture Navale
Pour être adaptée sur un voilier cette étrave doit donc répondre aux
critères
suivants:
• Sur eau calme, être équivalente à une étrave droite en offrant une
longueur de flottaison maximale.
• Par petit et moyen clapot, apporter un effet perce vague, minimiser
la
vague d'étrave.
• Par mer formée, augmenter la vitesse de passage dans les vagues tout
en
réduisant les
mouvements de tangage.
Le concept présenté ici fait la synthèse de ses
qualités. Il a
été développé autour
d'un voilier de croisière rapide avec un
parti pris de grande simplicité technique, comme l'indique sa carène à
bouchain.
Les formes avant imposées par l'étrave bifide sont
harmonieusement
prolongées par les bouchains de la carene, ce qui ne complique pas
la construction.
Les formes pleines de la partie supérieure de l'étrave
permettent d'offrir une large plage
avant les manoeuvres.
Les aménagements ne sont pas impactés par les formes avant, au
contraire la largeur au pont de la partie avant bénéficie à la cabine
avant.
Le maître bau de la carène est volontairement reculé pour de bonnes
performances au
portant.
La largeur raisonable du maître bau laisse augurer de bonnes capacités
aux
allures de prés en évitant que la carène gitée ne soit trop
dissymétrique, ce qui est toujours préjudiciable à l'efficacité du plan
anti-dérive.